Lancement du Séminaire Pluriannuel du Laboratoire d’Histoire sur les dynamiques contemporaines en Afrique
Le Laboratoire d’histoire de l’IFAN a démarré son séminaire de recherche pluriannuel et interdisciplinaire sur « Afrique, histoire et mutations : comprendre les dynamiques contemporaines du continent ». Coordonné par des chercheurs de ce laboratoire , l’objectif de ce séminaire est d’instituer un cadre d’échanges permettant de comprendre les dynamiques contemporaines en cours en Afrique. À travers une pluralité d’approches et de thématiques centrées sur l’Afrique et à partir d’Afrique, il entend ainsi questionner les débats épistémologiques autour de l’histoire et les autres sciences sociales, tout en gardant à l’esprit les séquences chronologiques et des contextes historiques, afin de saisir les continuités et les ruptures.
La première s’est tenue le mercredi 15 janvier 2025 à la salle de Conseil de l’IFAN-Cheikh Anta Diop. Elle a porté sur une lecture critique de l’ouvrage du Professeur Daha Chérif Bâ, portant sur Les Cultures populaires en Sénégambie. L’exemple des Fulbe (1512-1980), Dakar, L’Harmattan, 2013, 389 p. En présence de l’auteur, les docteurs Saliou Dit Baba Diallo (IFAN-CAD), Amadou Dramé (IFAN-CAD) et Ambroise Djéré Mendy (Département d’Histoire, FLSH). Le Pr Matar Ndiaye, Chef de département des Sciences Humaines de l’IFAN-CAD, a modéré cette séance. Il a salué cette initiative des chercheurs du Laboratoire d’Histoire qui contribue à l’animation et à la vulgarisation des recherches à l’institut. Il a souligné l’engagement du département à accompagner et soutenir les coordonnateurs à une parfaite organisation des séances de ce séminaire.
L’intervention du Dr. Saliou Dit Baba Diallo a porté sur une lecture critique de l’introduction et de la première partie de l’ouvrage. Il a souligné l’originalité de l’étude qui se décline dans l’introduction par la mobilisation d’un appareil conceptuel solide. Il a mentionné que la large bibliographie et les nombreuses sources – écrites et orales – exploitées – quantitativement et qualitativement – ont permis au Pr Daha Chérif Ba d’élaborer une analyse minutieuse et approfondie des cultures populaires fulbee en Sénégambie. Dans la première partie, titré « productions culturelles et scènes folkloriques, sous l’ère Ceddo, 1512-1883 », composé de quatre chapitres, Dr Diallo a montré comment l’auteur analyse avec finesse les profils et les trajectoires de quatre figures de la culture populaire fulbee : le guerrier, le pêcheur, le berger et l’esclave. Dr Diallo a pointé la prise en compte par l’auteur de ces figures sur les dynamiques sociales de la culture au Fouta. Par ailleurs, Dr Diallo a souligné l’absence de la centralité de la figure du griot (une étude systématique) dans cet ouvrage.
Dans sa communication, le Dr Amadou Dramé a centré son commentaire sur la deuxième partie de l’ouvrage qui porte sur : « Sociétés sénégambiennes, islam et production culturelles, 1883-1980 », pp. 175-282. Dramé a montré comment la lecture cette partie du livre permet de saisir l’influence de l’islam dans la mutation de la société futanké. Cette mutation amorcée sous l’époque du règne des Deeyanké (époque prérévolutionnaire) à travers quelques foyers religieux s’est accentuée à partir de 1776 à la suite de la Révolution toroodo. Sous les toroodo, on assista à une multiplication des foyers d’enseignements coraniques dans tout le Fouta. Les maîtres coraniques et autres figures emblématiques musulmanes foutanké ont ainsi joué un rôle déterminant dans la diffusion de l’islam à travers la Sénégambie, notamment dans le Ferlo, le Fouladu par exemple). Amadou Dramé a aussi mentionné comment l’islam a influencé les mutations des acteurs des cultures populaires fulbee. Dans le livre, on aperçoit cette transformation des acteurs par l’incorporation des références et des arts de faire islamiques dans leurs poésies, chants et autres pratiques artistiques populaires.
En référence à ces recherches sur l’histoire des relations internationales par le bas, Dramé a souligné que ce livre lui permet de comprendre la Sénégambie comme un espace d’échange et d’appropriation des pratiques socioreligieuses de différents foyers islamiques. Il trouve ainsi fascinant la manière dont l’auteur à identifier les influences maures et arabo-musulmanes dans les arts de faire des sociétés fuutanké au cours de la période sous étude. Amadou Dramé considère que ces aspects sont à pendre en compte pour une meilleure compréhension de l’histoire des relations internationales de ces sociétés.
La communication de Dr Ambroise Djéré Mendy a porté sur la troisième partie du livre intitulée :« Colonisation, urbanisation et mutations culturelles, 1890-1980 ». Elle est structurée en deux chapitres. Le premier chapitre, « colonisation, urbanisation et folklores islamiques », étudie les mutations des pratiques culturelles promues dans les milieux musulmans. Le deuxième chapitre de cette partie est intitulé « colonisation, urbanisation, fêtes et folklores profanes ». Dr Mendy a souligné que cette partie examine l’évolution du folklore et des pratiques festives des Fulbé de la Sénégambie. Durant une période assez longue marquée par des changements profonds aux plans politique, culturel, social, économique, etc. En choisissant d’étendre ses lieux d’observation de la création et l’expression des acteurs du folklore aux trois aires culturelles du Nord, du Centre et du Sud, rappelle Dr Mendy, l’auteur transcende volontairement les frontières érigées par les puissances coloniales, car celles-ci ne réussirent pas à endiguer les dynamiques et les échanges culturels impulsés à partir du bas.
Réagissant aux trois interventions, le Professeur Bâ a salué l’initiative du Laboratoire d’Histoire et a remercié les organisateurs du séminaire. Il a particulièrement apprécié les débats suscités par cet ouvrage et a conforté certaines observations et analyses faites par les trois communicants. Il a insisté sur l’importance des études scientifiques portées sur l’histoire culturelle face aux défis du temps et surtout dans un monde marqué par de profonds bouleversements liés à la religion, l’urbanisation, la migration, la technologie, la mondialisation, entre autres. Il a apporté des réponses sur certains choix méthodologiques, théoriques et épistémologiques dans la rédaction de son ouvrage. Le Pr Ba a fait état de sa parfaite maitrise de la société Fulbé et sa fine connaissance du terrain sénégambien.
Les interventions du public ont été particulièrement pertinentes. Les intervenants ont magnifié cette rencontre et l’intérêt pour les chercheurs à échanger avec les collègues et les étudiants sur les résultats de leurs recherches. L’intérêt du champ de l’Histoire culturelle dans l’historiographie africaine en général et dans l’École de Dakar en particulier a été unanimement souligné par le public. En cela le Livre du Pr Bâ est une contribution scientifique majeure.
Dr Saliou Dit Baba Diallo (Laboratoire d’Histoire, IFAN-CAD)
Dr Amadou Dramé (Laboratoire d’Histoire, IFAN-CAD)
Dr Ambroise Djéré Mendy (UCAD)