CAMARA LAYE-PENSIONNAIRE DE L’IFAN

Camara Laye intégra l’IFAN en 1966 à la faveur d’une bourse d’étude attribuée par le président sénégalais Léopold Sédar Senghor. Il fut d’abord admis au laboratoire d’histoire avant de poursuivre sa carrière scientifique au laboratoire des langues et civilisations africaines. Professeur Yves Person l’encourageait poursuivre son travail de transcription et de traduction des bandes de l’épopée de Soundiata Keita entamé en Guinée. Camara Laye travaillait ainsi sous la direction de Professeur Liliane Kesteloot, contribuant ainsi à la sauvegarde des récits sur l’Afrique racontés par les griots. Cette entreprise l’occupa pleinement durant ces dernières années de vie alors que sa santé était devenue vacillante.

Né en 1928 à Kouroussa en Guinée, Camara Laye est issue d’une lignée de forgerons. Après des études primaires inachevées , il s’orienta vers la professionnalisation et   réussit son certificat d’aptitude professionnelle en mécanique. Il eut ensuite une bourse d’étude en France pour une spécialisation. Mais « faute d’avoir pu s’inscrire dans un établissement scolaire, Camara Laye se retrouve ouvrier des usines Simca », peut-on lire dans le bulletin 175 des Notes Africaines qui retrace les principales étapes de sa vie. Camara Laye fait la connaissance d’une française,  professeur de lettres à Paris. Cette rencontre donna naissance à son premier roman L’enfant noir (1953), autobiographie dans laquelle l’auteur raconte l’histoire, les péripéties de sa vie dans un style imagé et pittoresque. Ce livre est un condensé des mémoires de Camara Laye. De son enfance dans une petite ville de la Haute Guinée en passant par le métier de bijoutier de son père qu’il doit perpétuer, les pouvoirs spirituels de sa mère, les croyances traditionnelles et son goût prononcé pour les études, L’enfant noir est considéré comme un chef d’œuvre de la littérature africaine. Avec cet ouvrage, il obtint le prix Charles Veillon en 1954. L’enfant noir est étudié dans les programmes scolaires au Sénégal et en Guinée

Le regard du roi (1954) est le deuxième roman de Camara Laye. Celui-ci a divisé les critiques sur l’authenticité de cet ouvrage mystique dont les référentiels reposent sur la culture Mossi. Le regard du roi évoque le cheminement spirituel d’un blanc délaissé par ses semblables, qui tente d’accéder à la sagesse africaine.

En 1958, Camara Laye est nommé directeur du crédit du Congo après un passage à la caisse centrale de la France d’Outre-Mer qui formait les cadres des agences de crédit d’Afrique noire. Lorsque la Guinée eut son indépendance, il est affecté au Ghana comme ambassadeur par le président Sékou Toure. Il occupa plusieurs postes à l’étranger avant d’être rappelé pour diriger l’Institut National de la Recherche et de la Documentation en Guinée ex   IFAN, afin de continuer son travail de recherche sur le Mande.
En conflit ouvert avec Sékou Touré, Camara Laye a vécu une brève expérience carcérale. A sa sortie de prison, il s’installa en Côte d’Ivoire puis au Sénégal en 1965. Une année plus tard, sortit son troisième ouvrage Dramous (1966), une critique acerbe du régime guinéen.

 Au Sénégal, dans les années 70, en dépit d’une hypertension artérielle tardivement diagnostiquée, Camara Laye finit ses recherches sur l’épopée de Soundiata Keita et publia l’ouvrage Le Maitre de la parole (1978).

 Il s’agit d’une transposition et d’une réécriture de l’épopée de Soundiata Keita que Camara Laye a mis une vingtaine d’années à collecter auprès des griots, gardiens de la mémoire en Afrique.

Camara Laye décédera deux ans plus tard, en 1980.  Il repose aux cimetières de Yoff.  Dans son allocution prononcée à Dakar lors de ses obsèques, Amar Samb, ancien directeur de l’IFAN parlait de lui en ces termes : «   romancier de talent, poète, ami affable, Laye Camara entre dans le panthéon des hommes de lettres (…), il est mort mais pas son œuvre littéraire marquée du sceau de l’originalité ».

REFERENCES

Kestelot, L (Juillet 1982). Témoignages sur Camara Laye. Revue Notes Africaines No 175, 58-59

Ño ko bokk Salon de discussion des savoirs sur l’Afrique

Le mot wolof, Ño ko bokk, est une interlocution qui célèbre ce qui est en partage entre différentes parties prenantes. C’est, ici, ce Salon de discussion sur des savoirs sur l’Afrique que nous souhaitons, ensemble, créer, inspirer et nourrir. Ce lieu de rendez-vous est bimensuel et nous réunira, à chaque deux mercredis, entre 12h30 et 13h00. En ces temps de d’inconfort globalisé dans les espaces classiques d’exercice de nos métiers, Il s’agit donc pour nous, d’ouvrir des espaces de refuge dans lesquels nous cultivons la nécessité de ne pas désespérer de l’Académie, de l’urgence à réengager le goût de débattre sous le double mode de la critique et de l’universel. Bien au-delà donc de l’idée simple d’une opportunité de présenter ses travaux, notre salon de discussion est une construction collective d’un service à la communauté qui s’offre sous la forme d’un espace d’échange et d’apprentissage. Nous nous intéressons aux savoirs sur l’Afrique, à leurs histoires, leurs actualités, leurs enjeux multiples, à travers une variété large d’entrées thématiques touchant aux divers aspects notionnels, conceptuels, théoriques et méthodologiques que pose la production des savoirs sur l’Afrique. 

Organisateurs

Les organisateurs du programme sont Fatoumata Hane (Université Assane Seck, Ziguinchor), Mouhamed Abdallah Ly (Ifan-Cheikh Anta Diop, Dakar) et Abdourahmane Seck (Université Gaston Berger, Saint-Louis)

Le programme est soutenu par le Groupe d’Action et d’Étude Critique – Africa (GAEC-Africa), le Pôle d’Observation et d’Etude sur la Migration et l’Environnement (POEME-IFAN) et l’Institut Education, Famille, Santé et Genre (IESFG/ UASZ).  

Modalités

1- Chaque rendez-vous est modéré et comprend, outre l’exposition sur le thème en 15 minutes du présentateur, une séance de conversation entre lui et l’audience. 

2- 15 jours à l’avance, une courte biographie du présentateur, le titre, le résumé (150 mots Max), ainsi qu’une bibliographie sélective seront partagées sur le mailing-list. Le rappel est fait une semaine avant la présentation et 24h avant. 

Instructions

1- Il est vivement souhaité une observation collective et solidaire de règles de base qui seront rappelées à chaque début de séance. 

2- Couper les micros et les caméras et, pour intervenir, prendre le soin de vérifier que son environnement sonore est adéquat 

3- Ne pas monopoliser la parole et tenir les interventions claires, précises et pas plus longues que deux minutes pour permettre à tout le monde de pouvoir participer au débat. 

4- Les débats sont enregistrés, mais uniquement à des fins de constitution de ressources pédagogiques, librement accessibles sur le site du GAEC-Africa.

Résumé de présentation 

Notre contribution interroge l’évolution de la place des femmes dans l’espace politique sénégalais postindépendance. En partant de la présidence de Léopold Sédar Senghor, marquée par un fort nationalisme politique, une centralisation du pouvoir, puis une ouverture démocratique qui consacre le pluralisme politique, elle analyse toutes les configurations politiques postindépendance (période du parti unique, ouverture politique, wolofisation, entrée des acteurs internationaux, alternance politique, parité) pour montrer comment s’y imbriquent à la fois des dynamiques d’exclusion et d’inclusion politiques des femmes. 

Elle montre comment la construction élitiste du pouvoir politique, qui renforcer la position dominante des hommes (« évolués » puis technocrates), contribue à l’exclusion politique des femmes. Cette configuration institue surtout une division sexuelle du travail politique. Elle montre aussi dans quelles mesures les transformations sociales, politique et culturelles (wolofisation, loi sur la parité etc.), le développement du mouvement feministe et l’intérêt progressif des organisations internationales à l’égalité de genre depuis les années 1980 permettent une féminisation de l’espace politique sans pour autant remettre en cause les rapports de pouvoir entre les hommes et les femmes, y compris dans l’espace politique. 

Ainsi les politiques de quotas, la constitutionnalisation de la parité, la mise en place de mécanismes de promotion de la femme, bien qu’elles permettent une féminisation des instances dirigeantes (Assemblées locales et nationale), montrent leurs limites quant à la transformation des rapports de genre aussi bien dans l’espace privé que dans l’espace public. Les résistances sociales et religieuses au féminisme confortent l’ineffectivité des dynamiques émancipatrices. Ce qui conduit à ce qu’on pourrait appeler une « dissonance égalitaire ». 

Biographie de l’auteur 

Saliou Ngom est socio-politiste, chercheur à l’IFAN. Il est diplômé de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne où il a soutenu sa thèse en 2017 au centre d’études de science politique et de sociologie (CESSP). Il a également été coordonnateur de la recherche dans le programme LPT du ministère de l’éducation, financé par l’USAID, entre 2019 et 2020.