Appel à communication du colloque « Linguistique et colonialisme », 50 ans après. Nouveaux concepts, nouvelles pratiques, nouvelles résistances

Colloque International

Les 21, 22 et 23 Octobre 2024

Tunis – Hammamet – Tunisie

Publié en 1974, traduit en différentes langues (allemand, coréen, espagnol, galicien, italien, japonais, serbo-croate, etc.), le livre de Louis-Jean Calvet Linguistique et colonialisme a joué un grand rôle dans l’épistémologie de la linguistique, l’émergence de la sociolinguistique, les réflexions sur les politiques linguistiques et la prise de conscience par les militants de la diversité linguistique. Louis-Jean Calvet a montré dans son ouvrage que l’ouverture de l’Europe sur le reste du monde s’est accompagnée d’une minoration et d’une domination de la langue de l’autre ; et cette réflexion dépasse, on s’en doute, les seules aires géopolitiques et situations sociolinguistiques des exemples choisis par l’auteur pour sa démonstration. Son livre a eu le mérite d’avoir autant élucidé le rôle de la langue dans l’ébauche de la prétendue suprématie de l’Occident que le rôle de la linguistique, en tant que discipline, dans la mise en oeuvre du projet colonial. Cette double perspective fait émerger l’idée que la décolonisation ne peut être opérante que si elle agrège une idéologie discursive de la langue d’une part, et une décolonisation de la linguistique, d’autre part.

Cinquante ans après sa publication, nous nous proposons de revenir sur la thématique principale de l’ouvrage et sur le concept de glottophagie, au regard de la configuration linguistique actuelle du monde, et de poser un certain nombre de questions :

– La sociolinguistique, discipline qui s’est institutionnalisée après la colonisation, est-elle concernée par le débat sur la décolonisation, entre autres celle des savoirs ?

– Qu’est-ce qui, dans son assise épistémologique, dans ses approches théoriques, dans ses démarches méthodologiques, dans ses pratiques empiriques, relèverait ou pas d’une colonialité de la discipline ?

– Qu’est-ce qui, dans la sociolinguistique appliquée, participe de la reproduction d’essentialisation, de hiérarchisation et de domination linguistiques ? En quoi la discipline rencontre-t-elle (ou pas) les développements sur la langue qui émergent des théories postcoloniales et de la pensée décoloniale ?

À partir de ces premières questions, il s’agira d’explorer les relations entre langues et colonialismes telles qu’elles se présentent aujourd’hui, afin d’esquisser un bilan, au-delà des descriptions et des discours, des politiques mises en oeuvre et donnant lieu à des formes de domination linguistique, qu’elles soient internes à des frontières ou se jouant entre plusieurs frontières : les processus coloniaux ont été et sont encore autant l’occasion d’actions à énumérer et à décrire que de discours et de représentations exprimées, qui en sont parfois le berceau et le reflet. Les politiques ou les expérimentations pour introduire des langues « nationales » ou non officielles dans les systèmes éducatifs formels ou informels des différents pays ou zones ayant été colonisés ou dans des situations de néo-colonisation pourraient ainsi être décrites et évaluées. Il s’agira de se demander si les situations socio-politiques envisagées font émerger des modalités de nouveaux colonialismes qu’il faudrait alors définir, entre autres dans les formes de domination développées et les nouvelles résistances qu’elles peuvent susciter. Dans ce cadre, l’étude des langues minorées et des processus de minoration prendra sans doute une place particulière, tant les nouvelles modalités, parfois cachées ou composites qu’elles adoptent, et les politiques, entre autres éducatives, qu’elles ont suscitées de par le monde, changent actuellement la donne concernant la description des langues circulantes, des situations transfrontalières et des plurilinguismes à travers les continents.

Dans ce sens, un accent particulier sera mis sur les politiques éducatives. Par exemple, plusieurs pays, entre autres en Afrique, se sont engagés dans une politique d’introduction des langues nationales ou locales dans leurs systèmes éducatifs formels. Quel bilan peut-on en tirer ? Et quelles questions théoriques émergent de cette dynamique, à la fois en linguistique et en sociolinguistique ?

Les communications pourront se pencher sur les populations qui parlent des langues minorées, et sur la façon dont les mobilités des migrations économiques, politiques ou écologiques affectent ces langues. Elles pourront également interroger leurs façons de s’approprier les langues et de composer avec les systèmes dominants. La perspective historique de leur évolution pourra être envisagée en rapport avec les moyens techniques nouveaux, les réseaux sociaux, les modalités virtuelles de domination ou de résistance, mais également les nouvelles exigences économiques, servant ou desservant les rapports de forces en jeu autour des langues, de leurs pratiques et de leur transmission.

Le colloque entend de fait poser la question des nouveaux espaces de colonialismes, concrets, virtuels ou symboliques, ou des domaines sociaux précis qui les hébergent, de façon explicite ou implicite, comme les productions artistiques, la musique et la chanson, les formes architecturales ou vestimentaires, etc. Ce type de réflexion incite à ouvrir notre champ scientifique à la rencontre d’autres sciences comme l’ethnologie, la musicologie, les sciences de la communication, l’anthropologie, l’économie, la géographie, etc. L’étude de ces discours sera instructive aussi bien pour les phénomènes examinés que pour les enjeux et dimensions idéologiques et politiques du débat autour des langues.

Les trois axes proposés, développés ci-dessous en 12 thèmes, pourront ainsi être abordés en référence à des situations nationales (« colonisation interne ou colonialisme intérieur ») ou internationales (« colonisation externe ») sur tous les continents. Des études micro étudiant une situation particulière, y compris intime (familles, couples, fratries, etc.) ou macro (épousant une large envergure, géographique, historique ou sociale), pourront être faites sur la base d’analyses qualitatives, quantitatives ou les deux à la fois.

Trois axes de réflexion sont proposés, déclinés chacun en 4 thèmes :

Axe 1 – Sociolinguistique et colonialité

Thème 1 Nouveaux colonialismes linguistiques dans le monde : mondialisation, intégrations régionales (Maghreb, Union européenne, Mercosur, Union africaine, etc.), langues « internationales »

Thème 2 Approche épistémologique, nouveaux univers conceptuels, nouveaux paradigmes

Thème 3 Stratégies linguistiques, littéracies, traduction, dimensions numériques et artistiques, nouveaux engagements

Thème 4 Nouvelles pratiques de recherche sur les langues en contexte postcolonial

Axe 2 – Langage, espace et colonialismes/colonialités

Thème 5 L’espace urbain comme lieu de (re)production de la colonialité du langage Processus de hiérarchisation des savoirs, du pouvoir et de la parole. Dimensions historiques et contemporaines.

Thème 6 Institutionnalisation des langues : continuités et discontinuités coloniales Approches institutionnelles (OIF, OEI, CPLP, etc.) et organismes de diffusion des langues (Alliances françaises, British Council, Goethe Institut, Instituto Cervantes, Instituts Confucius, etc.). Processus de construction politique de l’espace et critiques de la (re)production des pouvoirs à travers les langues.

Thème 7 Paysages linguistiques : marquage, (re)production et négociation de l’espace et de ses frontières comme expression des rapports de pouvoir et de leur remise en cause par les pratiques spatiales quotidiennes. Inégalités sociales, circulations migratoires, dynamiques de la redéfinition des espaces.

Thème 8 Langues locales, régionales, minoritaires, minorées : nomination (« patois », « dialectes », « langues », « autochtones », « indigènes », etc.) ou classification des langues : processus de minoration et de majoration, variations et visibilisation ou pas de ces processus.

Axe 3 – Politiques linguistiques, éducatives et scientifiques

Thème 9 Politiques linguistiques : interventions humaines sur les situations de plurilinguisme, promotion fonctionnelle des langues. Typologie de ces politiques (par exemple du haut vers le bas et du bas vers le haut). Réussites, échecs, etc.

Thème 10 Législations linguistiques, langues et droit. Les nouvelles populations apprenantes.

Thème 11 Politiques éducatives, éducation bilingue, EIB, éducation de base, plurilinguisme à l’école, nouvelles formes didactiques à l’oeuvre, décolonisation des curricula scolaires et universitaires, études de cas.

Thème 12 Méthodologies de la recherche en sociolinguistique : recherche collaborative, coécriture, méthodologies participatives

Le colloque se déroulera les 21, 22 et 23 octobre 2024 entre Hammamet et Tunis en Tunisie. L’organisation en sera assurée par le laboratoire ATTC, « Analyse Textuelle, Traduction, Communication » de la Faculté des Lettres, des Arts et des Humanités de l’Université de la Manouba.

Les langues du colloque seront l’anglais, le français, l’arabe et l’espagnol. Cependant le comité d’organisation pourra accepter les communications en langues nationales et/ou minorées, sous réserve d’une possibilité de traduction. De même, les formes hybrides de communication seront encouragées (bilinguisme des discours, PP dans une langue / exposé dans une autre, titres bilingues, etc.).

Les frais d’inscription au colloque s’élèveront à :

– 80€ pour les chercheur-e-s professionnel-le-s

– 20€ pour les étudiant-e-s, doctorant-e-s ou jeunes chercheur-e-s, encore sans profession.

Des cas d’exonération pourront être examinés sur demande par le Comité d’organisation.

NB : Notre intention étant de privilégier les rencontres et les échanges formels et informels, le colloque est prévu en présentiel et non en distanciel.

Les propositions de communications devront parvenir conjointement aux adresses suivantes :

linguistique.colonialisme2024@gmail.com

attc.manouba@yahoo.com

et être déposées sur le site du colloque, où chaque correspondant-e pourra créer son compte :

https://calvet50.sciencesconf.org/

Elles rempliront les conditions suivantes :

– contenir un titre, un résumé (2000 signes maxi), une notice bibliographique (500 signes maxi), le nom et l’adresse électronique de l’auteur-e, son statut et son affiliation institutionnelle,

– indiquer avec précision l’axe et/ou le thème dans lequel s’inscrit la recherche,

– spécifier le contexte de l’étude, la problématique posée, le cadrage théorique (sous forme de 2 ou 3 concepts ou auteur-e-s de référence), la méthodologie adoptée (construction et analyse du corpus), et les perspectives de la réflexion, en lien avec le thème général du colloque.

Dernière date de réception des propositions : le 30 janvier 2024

Retour aux auteur-e-s : le 30 mars 2024

Envoi du programme définitif :15 mai 2024

Comité d’organisation

– Farah ZAÏEM, Inès BEN REJEB, Raja CHENNOUFI : Université de la Manouba, Laboratoire ATTC-LR18ES12, Tunis, Tunisie

– Abdelouahed MABROUR : Université Chouaib Doukkali, El Jaddida, Maroc

– Amidou MAIGA, Zakaria NOUNTA Université de Bamako, Mali

– Mouhamed Abdallah LY, Adjaratou O. SALL : Université de Dakar, Sénégal

– Marilena KARYOLEMOU : Université de Chypre

– Véronique FILLOL : Université de Nouvelle-Calédonie, Nouméa

– Telma C.A.S. PEREIRA, Xoan LAGARES : Université de Rio de Janeiro, Brésil

– Marielle RISPAIL : UJM, Laboratoire ECLLA, Saint Étienne, France

– Michelle AUZANNEAU, Carola MICK : Université Paris-Cité, Laboratoire CEPED, Paris, France

Comité scientifique

Universités de la Manouba et El Manar, Tunis, Tunisie

Ines BEN REJEB

Raja CHENOUFI-GHALLEB

Farah ZAIEM

Université Chouaib Doukkali, El Jaddida, Maroc

Abdelouahed MABROUR

Université Caddi Ayyad, Marrakech, Maroc

Lahoucine AIT SAGH

Fatima Ez-Zahra BEN KHALLOU

Université de Mostaganem, Algérie

Ibtissem CHACHOU

Université de Bamako, Mali

Amidou MAIGA

Zakaria NOUNTA

Université Cheikh Anta Diop de Dakar, Sénégal

Moussa DAFF

Mouhamed Abdallah LY

Adjaratou O. SALL

Université Assane Seck de Ziguinchor, Sénégal

Ndiémé SOW

Universidad Nacional Autónoma de Honduras, Tegucigalpa, Honduras

Carlos SOLORZANO

Universidade Federal Fluminense, Rio de Janeiro, Brésil

Telma C.A.S. PEREIRA

Xoan LAGARES

Monica SAVEDRA

Universidad Autónoma del Estado de Morelos, Cuernavaca, Mexique

Cony SAENGER

Université de Montréal, Canada

Juan Carlos GODENZZI

Université de Nouvelle-Calédonie, Nouméa

Véronique FILLOL

Elatiana RAZAFI

Université de Chypre

Fabienne BAIDER

Marilena KARYOLEMOU

Università di Corsica Pasquale Paoli, Corse

Alain DI MEGLIO

Université d’Angers, France

Dalila MORSLY

Université Jean Monnet de St-Etienne, France

Marielle RISPAIL

Valeria VILLA-PEREZ

Université Paris Cité, France

Michelle AUZANNEAU

Carola MICK

Université de Provence, France

Louis-Jean CALVET