Journée d’étude : Archives de l’oralité et oralité des archives

Appel à contributions

Journée d’étude : Archives de l’oralité et oralité des archives

4 Octobre 2023

Argumentaire

« Réduite à une mise en textes dans le cadre strict de la production du savoir européen, l’oralité se voit donc expurgée, d’une part, de la grande vivacité des performances improvisées (…) et d’autre part des pratiques d’écriture vivantes, notamment en écriture arabe ou locale » (Canut, 2021, p. 193).

L’archive comme d’un espace matériel qui dérive de l’enchevêtrement de bâtiments et de documents. Le statut matériel et l’idée totalisante de l’archive sont directement liés aux formes de production du savoir issues du monde occidental. En particulier : les sources écrites, les systèmes d’organisation, et la situation des uns et des autres à l’intérieur d’architectures ad-hoc. Comprenant l’archive comme un exercice de discrimination et de sélection, il légitime un statut pour certains objets et le refuse à d’autres – ceux qui sont « non archivables ». Si l’histoire occidentale est incontestablement hégémonique et dominante, d’autres formes de savoir – et d’autres formes d’archivage – peuvent et doivent être valorisées. Dans le contexte sénégalais, le patrimoine oral a souvent été archivé comme un monument/document écrit : enregistré, transcrit, traduit. Cette approche à l’égard de la culture orale porte atteinte à certains des principes majeurs de la littérature et de l’histoire orales : leur variabilité, leur flexibilité ainsi que leur caractère modifiable, changeant d’un « conteur » à l’autre. Une telle approche limite le patrimoine oral à sa compréhension en tant que texte écrit tout en excluant les propriétés de la parole et de la communication orale, ainsi que la dimension sonore et performative. Au demeurant, Cécile Canut ne dit pas autre chose lorsqu’elle rappelle que « L’écriture produit à la fois l’histoire et la forme de l’histoire, la pensée et la forme de la pensée. Ainsi dépossédée, les peuples africains sont assignés à l’ordre de l’homogène : l’oralité pourtant composée de variations, de fluctuations des versions, de transformations, est formatée en fonction des conditions sociales de production de la recherche française. Cette dépossession conduit par conséquent à réduire la littérature orale à un folklore en effaçant le rôle de la performance qui constitue le coeur des pratiques de l’oralité » (2021, p.192). Dans son ouvrage, Mamoussé Diagne parle de la « stabilité » des sources orales et écrites (2005). Toutes deux sont garanties par la répétition. Dans le cas des sources écrites, il s’agit de la reproduction exacte. Dans le cas des textes oraux, la stabilité est garantie par la répétition avec variance. Ces nuances permettent de souligner les différences dans la base épistémique de la production de la connaissance orale et écrite.

Cette journée d’étude qui réunira linguistes, historiens, philosophes, oralistes, archivistes, ainsique des artistes, vise à discuter des différentes approches épistémologiques, méthodologiques et conceptuelles de l’étude des archives orales dans le contexte ouest-africain et sénégalais. La perspective choisie cherche à démythifier l’autorité talismanique de l’écriture (Karin Barber : 1995) et elle cherche à se départir de la vision manichéenne qui a trop longtemps prévalu en opposant « civilisation à tradition écrite » et « civilisation à tradition orale » (Jacques Goody : 1979). Elle entend défaire les représentations qui ont longtemps perçu l’écriture comme le seulmoyen valable de mémorisation et de cumulation du savoir et in fine de progrès (Mamoussé Diagne : ibid.). Les communicants élaboreront leurs contributions en exploitant nécessairement des documents (audios et vidéos) qui ont la matérialité de manuscrits, de récits, de contes, de proverbes, de poèmes, de chants, etc. en proposant des discussions et réflexions autour de la production de connaissances sur l’oralité dans le contexte ouest-africain. La journée d’étude est conçue comme un séminaire avec des présentations et des discussions ouvertes. Chaque présentation de 20 minutes disposera de 30 minutes supplémentaires pour les discussions, les commentaires et les réactions des participants.

Les communications pourraient être inscrites dans un des axes suivants :

  • L’archive orale comme matériau spécifique : depuis le tournant du siècle, les évolutions relatives au développement du numérique, ont offert de nouvelles possibilités d’enregistrement, de numérisation, de stockage, d’archivage, etc. qui interrogent à nouveaux frais la double problématique de l’archive en rapport avec l’oralité et de l’oralité en rapport avec l’archive. Quelles sont les caractéristiques d’une archive orale ? Quelles sont les conditions de production qui la constitue comme telle ? Qui parle dans ces archives, de quoi, comment en parle-t-il ? Il s’agit ici en somme de procéder à une archéologie de l’objet « archive orale » qui mette au jour les procédures qui ont conduit à sa sélection, à son élaboration, à sa circulation et enfin à sa réappropriation historienne.
  • L’oralité de l’archive : la performance orale est caractérisée par le procédé de dramatisation et de recours à l’image, comme théorisé par Diagne (ibid.). Comment l’archive orale dépasse la bande-son pour une matérialité plus globale faite de littérature orale ? Quelles stratégies sont utilisées dans la performance pour transmettre et mémoriser mieux les textes ? Comment l’oralité de l’archive est épurée de la parole vivante et moulée dans des modèles figés qui lui font perdre sa force de parole vivante ?
  • La problématique méthodologique : comment travailler sur de l’archive orale, comment archiver l’oralité ? Quelles sont les méthodes utilisées par les chercheurs, artistes, communautés ? Comment repenser l’oralité et l’archive ? Comment se conformer aux obligations éthiques relatives à l’accès aux sources et ressources orales, notamment au consentement et à la propriété intellectuelle ? Par ailleurs, l’on sait que la question de la propriété de l’auteur dans la tradition orale diverge des sociétés scripturaires ; ce qui conduit à penser les droits de la communauté par rapport aux droits individuels pour la production de connaissances.
  • La question patrimoniale : comment l’archive et l’oralité sont exploitées dans les collections muséales et les manifestations culturelles ? Comment font-elles l’objet d’une (ré) appropriation culturelle ?
  • L’anthropologie du langage : comment l’oralité est-elle appréhendée d’un point de vue anthropologique ? Quels types de significations produit-elle ? Comment rendre compte de la matérialité langagière, qui suppose de ne pas s’en tenir à la production d’un sens référentiel supposé fixe mais à un ensemble d’indexicalités qui constituent un processus de significations contextuelles ? Quel (s) rôle (s) et place (s) des langues nationales dans les archives écrites ?

Bibliographie

Barber, K. (2018). A History of African Popular Culture (New Approaches to African History).

Cambridge: Cambridge University Press. doi:10.1017/9781139061766

Canut C. (2021), Provincialiser la langue: langage et colonialisme. Éditions Amsterdam

Diagne M. (2005), Critique de la raison orale. Les pratiques discursives en Afrique noire.

Paris, Karthala.

Goody J. (1979), La Raison graphique. La domestication de la pensée sauvage. Traduit de

l’anglais et présenté par Jean Bazin et Alban Bensa. Les Éditions de Minuit.

Mbembe, A. (2002). The Power of the Archive and its Limits. In: Hamilton, C., Harris, V.,

Taylor, J., Pickover, M., Reid, G., Saleh, R. (eds) Refiguring the Archive. Springer,

Dordrecht. https://doi.org/10.1007/978-94-010-0570-8_2

Comité scientifique

Pr. Ibrahima Thioub (UCAD)

Pr. Felwine Sarr (Duke University)

Pr. Amade Faye (IFAN Ch. A. Diop)

Pr. Ibrahima Thiaw (IFAN Ch. A. Diop)

Pr. Ibrahima Wane (UCAD)

Pr. Abdoulaye Keita (IFAN Ch. A. Diop)

Pr. Idrissa Ba (UCAD)

Pr. Babacar Mbaye Diop (UCAD)

Pr. Pape Massène Sène (IFAN Ch. A. Diop)

Pr. Adrien Ndiouga Benga (UCAD)

Pr. Mouhamed Abdallah Ly (IFAN Ch. A. Diop)

Comité d’organisation

Pr. Mouhamed Abdallah Ly (IFAN Ch. A. Diop)

Dr. Katia Golovko (chercheur indépendante)

Dr. Mamadou Bodian (IFAN Ch. A. Diop)

Youssou Touré (URICA-ETHOS-IFAN)

Soumission des propositions de communication

Les contributeurs feront parvenir leurs propositions à l’adresse suivante :

archivorales@gmail.com

Calendrier

12 avril 2023 : publication de l’appel à contributions

15 mai 2023 : date butoir de réception des propositions de communication.

30 mai 2023 : réponses d’acceptation/refus envoyées aux contributeurs.

Protocole de rédaction des propositions de communication

Les résumés devront être envoyés sous format Word. Leur longueur maximale est de 15 lignes

accompagnées de 5 mots-clés.

Appel à candidature École d’été RIMA

Le programme ANR RIMA est un programme de recherche financé par l’Agence Nationale de la Recherche (ANR) en France, avec pour partenaires l’Université du Québec à Montréal (UQAM) et l’Institut fondamental d’Afrique noire (IFAN Ch. A. Diop). Il est géré par l’Institut de recherche pour le développement (IRD).

RIMA – dont l’acronyme est inspiré du nom d’une joggeuse violentée dans les rues d’Alger en 2018 par un homme refusant de voir une femme courir durant le ramadan – porte sur les femmes de l’espace Maghreb/Afrique de l’ouest islamisée et vise à étudier comment celles-ci, face aux diverses discriminations qu’elles subissent (inégalités de genre, territoriales, ethniques, économiques, religieuses), réagissent, luttent et/ou militent par le biais de l’islam. L’objectif est d’appréhender la façon dont les femmes réinventent leur vie et leur environnement social à travers la religion. Il s’agit de réfléchir aux normes de religiosités qu’elles mobilisent, s’approprient et mettent en œuvre, pour lutter contre les inégalités dont elles souffrent et imposer leurs identités de femmes, de croyantes et de citoyennes.

Dans le cadre de ce programme ANR, avec un financement complémentaire de l’IRD et de l’IFAN, une école d’été pour des doctorant.e.s en sciences sociales sera organisée du 11 au 21 juillet 2023 sur le campus de Dakar (UCAD) et à Gorée. Durant 10 jours, une dizaine de doctorant.e.s sélectionné.e.s recevront une formation pluridisciplinaire, pratique et théorique, sur les méthodologies des sciences sociales. Conférences, débats, 4 études de terrain collectives et présentations de travaux seront à l’ordre du jour. La formation sera dispensée par Dr Saliou Ngom (chercheur à l’IFAN), par Pr Marie-Nathalie LeBlanc (professeure titulaire à l’UQAM – Université du Québec à Montréal), et par Pr Fabienne Samson (directrice de recherche à l’IRD et membre de l’Institut des mondes africains – IMAF), avec des enseignants et chercheurs des Universités du Sénégal.

Cette formation est gratuite pour les doctorant.e.s sélectionné.e.s, avec une prise en charge des repas du midi compris en semaine et de l’hébergement à Gorée1. Pour candidater, les doctorant.e.s doivent répondre aux critères suivants :

– Être inscrit.e.s en doctorat en sciences sociales (anthropologie, histoire, géographie humaine, psychologie, sciences politiques, sociologie, etc.) à l’UCAD.
– Avoir déjà commencé les enquêtes de terrain de sa thèse

– Avoir un sujet de thèse qui porte sur les questions religieuses et/ou de genre
– S’engager à suivre la totalité de la formation, à s’investir dans les travaux collectifs et à présenter oralement la méthodologie de son travail de thèse.

Modalités de candidature :
– 1 CV
– 1 synthèse (3 ou 4 pages maximum) du projet de thèse
– 1 lettre de motivation (1 à 2 pages) pour montrer l’adéquation entre le sujet de thèse et la thématique du programme RIMA (https://anrrima.hypotheses.org/).

Les candidatures sont à envoyer à ecolejuilletucad@gmail.com

Date limite de candidature : 28 février 2023
Résultats : 7 avril 2023

Appel à contribution pour un ouvrage collectif en langue et religion

 RECHERCHE EN LANGUE ET RELIGION

Approches, descriptions et émergence de nouvelles identités en post-colonies 

Argumentaire

 Les thématiques autour de la langue et la religion sont assez récentes dans le domaine de la sociolinguistique, voire de l’analyse du discours1. Une vue panoramique des travaux qui y sont faits permettent de se rendre à l’évidence que c’est après les années 90 que les sociolinguistes s’intéressent véritablement aux pratiques linguistiques au sein des communautés religieuses. Les quelques travaux qui s’y attèlent en sociolinguistique s’intéressent tant à la différenciation des modes linguistiques propres au domaine religieux qu’à la manière dont l’appropriation et la sélection de ces modes fonctionnent comme moyen de socialisation au sein des communautés. Il s’agit pour les auteurs qui abordent la question du langage religieux dans ce sens, de voir « de quelles manières le langage est […] exploité à des fins religieuses » Juillard (1997) et comment en contrepartie, la religion impacte cette dernière du point de vue de son vocabulaire, de ses formes, de son utilisation et des représentations qui s’y construisent. 

Appel à contributions pour le Bulletin de l’IFAN, série B (Sciences humaines),

 Le Bulletin de l’IFAN, série B (Sciences humaines), lance un appel à contribution d’articles pluridisciplinaires pour le tome LXII (1-2) à paraître en 2023. 

Fondé en 1939, le Bulletin de l’IFAN publie des articles originaux ou de synthèse, des notes et documents et des comptes rendus bibliographiques sur des sujets relatifs à l’Afrique noire et spécialement l’Afrique noire occidentale, dans les différents domaines des sciences de la Vie et de la Terre pour sa série A et dans ceux des sciences humaines pour sa série B. 

Ces études sont généralement rédigées en français, mais peuvent l’être en anglais ou éventuellement en allemand, espagnol, italien, ou portugais. Dans les autres cas, une traduction en français ou en anglais sera nécessaire. 

Les articles (bibliographie comprise) ne devront pas dépasser 30 pages en interligne simple. La police recommandée est Times New Roman, corps 12. Les notes de bas de pages seront traitées dans la même police de caractères, corps 10. 

Un résumé doit figurer obligatoirement en début d’article, rédigé par l’auteur dans la langue de publication de l’article. Il doit contenir les principaux éléments de l’étude, surtout ceux qui n’apparaissent pas dans le titre, en particulier son objet, sa méthodologie, les principaux éléments apportés et les conclusions essentielles. 

À la suite du résumé dans la langue de publication doit figurer un résumé dans une autre langue de communication internationale (français ou anglais) précédé du titre traduit dans cette langue ; ce résumé peut être plus long et plus complet que le résumé dans la langue de publication. 

Des mots-clés doivent être mentionnés après les résumés, de façon à pouvoir intégrer l’article dans les systèmes internationaux de bases de données. 

Chaque article comportera des subdivisions avec des titres et sous-titres courts en minuscules. La hiérarchie entre les différents niveaux de titres doit être très claire. 

Les citations sont placées entre guillemets doubles et insérées dans le corps du texte, lorsqu’elles sont courtes. Si elles atteignent au moins quatre lignes, elles sont placées en retrait. Toute citation, directe ou indirecte, doit être référencée. 

Les citations de seconde main ne sont pas admises. 

Les références sont incorporées dans le texte, selon le système auteur-date sans ponctuation, entre parenthèses, comme suit : 

(Fall 1980) et, en cas de renvoi à la page : (Fall 1980 : 118) ou (Fall 1980 : 117, 120, 130). 

Dans le corps du texte, le nom est présenté en minuscules, à l’exception de l’initiale en majuscule : Vernant ; Vidal-Naquet ; Diop. 

Les notes de bas de page seront numérotées de façon continue. Il est conseillé d’éviter l’excès de notes (en nombre ou en longueur). 

En dehors des sigles, aucun mot ne doit être écrit en capitales, même au niveau des titres. Il est demandé de ne pas mettre de point ni d’espace après chaque lettre (exemple : IFAN et non I. F. A. N.). 

Les majuscules initiales doivent être réservées au début des phrases et aux noms propres ou considérés comme tels (et aussi aux noms communs en allemand) et elles seront accentuées, le cas échéant (À, Â, É, È, Ê, Ô, etc.). 

Aucun texte ne doit être soumis s’il a déjà été publié ou s’il est en instance de l’être dans une autre revue. Les manuscrits reçus sont soumis à un comité de lecture qui a pour mission de juger leur contenu aux points de vue de leur valeur scientifique et de l’opportunité de leur publication par l’IFAN. Les auteurs sont informés de la décision prise par ce comité. La rédaction se réserve la possibilité de procéder à des retouches dans le texte et à des suppressions dans les tableaux et illustrations. 

Une bibliographie sera attachée à chaque contribution, et devra être présentée comme suit. 

Présentation bibliographique (dans l’ordre alphabétique, uniquement) 

1) ouvrages imprimés, à présenter comme suit, à l’exclusion de toute autre mention 

a) ouvrage en 1 vol. 

FOURNIER, N. (1998). Grammaire du français classique. Paris : Belin. 

b) titre générique d’un ouvrage et titre propre d’un volume 

GURVITCH, G. (1969). La vocation actuelle de la sociologie, t. 1, Vers la sociologie différentielle. Paris : PUF. 

c) contribution à un ouvrage collectif 

THILMANS, G. (1997). « Puits et captiveries à Gorée aux XVIIe et XVIIIe s. » : 107-120, 5 ill., in : D. Samb (ed.) Gorée et l’esclavage. Dakar : IFAN Ch. A. Diop. 

2) Mémoire ou thèse (norme AFNOR Z44-050, simplifiée) 

NGOM, P. M. (1995).- Caractérisation de la croûte birimienne dans les parties centrale et méridionale du supergroupe de Mako.- Th. État : Géol. : UCAD de Dakar.- 243 f. 

3) Article 

CASTER, F. (1964). « Les réseaux modernes », Géographie urbaine XII (9) : 234-289, 11 fig., 3 ill., 1 carte. 

Les contributions sont à envoyer à : publications.ifan@ucad.edu.sn et seront publiées dans le Bulletin de l’IFAN, série B, LXII (1-2) 2023 

Date limite de soumission : 31 décembre 2022

L’oeuvre d’Abdoulaye-Bara DIOP en débat

Le Bulletin de l’IFAN Ch. A. Diop, série B lance un appel à contribution en hommage au Pr Abdoulaye Bara Diop

Abdoulaye-Bara Diop a été le véritable grand maître et fondateur de la sociologie sénégalaise. Ses anciens étudiants occupent, de nos jours, des positions importantes dans l’enseignement, la recherche ou les fonctions gouvernementales au Sénégal comme ailleurs en Afrique. Les publications de cet enseignant-chercheur, connu pour sa grande humilité, sa discrétion et sa droiture morale, font partie du patrimoine le plus important de l’université sénégalaise en raison de leur originalité réflexive ou hétérodoxe, de la solidité de leurs fondements et de la précision de leurs résultats. Cette œuvre magistrale, déjà saluée par de nombreux commentaires, a été forgée sur la longue durée. Elle a été dominée par des publications exceptionnelles par leur qualité. Elle a constitué une séquence majeure dans la production de la « grande bibliothèque » relative à la vie de notre pays. Abdoulaye-Bara Diop incarne l’art de la recherche fondamentale. Il a abordé diverses problématiques d’études. 

L’itinéraire d’un brillant chercheur hétérodoxe

Né le 19 août 1930 à Saint-Louis, il a effectué ses études primaires dans cette ville. Entre 1948 et 1953, il fréquente la célèbre École normale William Ponty, à Sébikotane. À la suite d’une année de propédeutique à l’Institut des Hautes Études devenu, plus tard, l’Université de Dakar, il entame, en 1954, des études à l’Université de Toulouse. En 1958, il obtient une licence de psychologie et de sociologie. Il détient également le certificat de philosophie et le DES de sociologie. En 1958, de retour au Sénégal, il est recruté à l’IFAN, alors dirigé par Théodore Monod. En 1959, il est nommé assistant titulaire. Il prépare sa thèse de doctorat de troisième cycle qu’il soutient avec brio en 1964. Il est maître-assistant en 1968. En 1979, Abdoulaye-Bara Diop soutient sa thèse de doctorat d’État en sociologie à l’Université de Paris-Sorbonne, sous la direction de Georges Balandier. Il sera le premier sociologue professeur titulaire de l’Université de Dakar. Il se consacre alors entièrement à l’enseignement et à l’encadrement de ses doctorants africains.

Entre 1986 et 1995, il dirige l’Institut fondamental d’Afrique noire Cheikh Anta Diop. Admis, en 1995, à faire valoir ses droits à la retraite, il poursuit néanmoins ses enseignements à la Faculté des Lettres et Sciences humaines. Il est également sollicité par ses collègues pour participer à des jurys de thèse au Sénégal, mais aussi dans d’autres pays africains et en Europe.  

Sa sensibilité politique de gauche l’a rapproché d’Abdoulaye Ly, grande figure intellectuelle, politique et morale du Sénégal contemporain (alors directeur adjoint de l’IFAN), d’Amadou Mahtar Mbow, d’Assane Seck et d’autres universitaires et patriotes africains de renom. C’est en reconnaissance de ses qualités intellectuelles et morales que la présidence de la Commission scientifique des Assises nationales du Sénégal lui a été confiée. Par ailleurs, tout le monde sait le rôle important qu’il a joué au sein de  la Commission nationale de réforme des institutions (CNRI) qui a produit – le fait mérité d’être souligné – le meilleur rapport disponible dans le pays en matière de réforme des institutions.

Il a obtenu de nombreuses distinctions, parmi lesquelles le titre de professeur honoraire de la Faculté des Lettres et Sciences humaines de l’UCAD, d’Officier de l’Ordre du Mérite de la République du Sénégal, de Chevalier des Palmes académiques de la République française, de Chevalier de la Légion d’honneur de la République française. 

Un pionnier des études sur les migrations

Le succès de ses livres sur les Wolof a tendance à occulter son œuvre fondatrice sur les migrations. Avant l’indépendance du pays, il a lancé une grande enquête sur la migration toucouleur à Dakar dans le cadre des recherches de la Mission socioéconomique du Sénégal (MISOES). Cette enquête a été effectuée, entre avril 1958 et mars 1959, dans les centres urbains. Ses résultats avaient fait l’objet d’un premier rapport. Il en tirera une thèse de troisième cycle en 1964. C’est à partir de cette base solide qu’il a encouragé ses étudiants à s’intéresser aux migrations sereer et joola. Il a conduit, avec ses partenaires, des programmes de recherche en y insérant certains de ses étudiants. En 1996, il a édité, en collaboration avec Philippe Antoine (démographe à l’ORSTOM devenu IRD), le livre au titre évocateur La ville à guichets fermés : Itinéraires, réseaux et insertion urbaine, IFAN-ORSTOM, 1995, 363 p.

Deux ans plus tard, il a rédigé la préface de l’ouvrage sur L’insertion urbaine à Dakar et à Bamako, dans le cadre d’un partenariat entre le CERPOD (Centre d’études et de recherche sur la population pour le développement), l’IFAN Ch. A. Diop (Institut fondamental d’Afrique noire Cheikh Anta Diop), l’ORSTOM (Institut français de recherches scientifiques pour le développement en coopération), le CEPED (Centre français sur la population et le développement) et le Département de démographie de l’Université de Montréal. Ce livre de référence est intitulé Trois générations de citadins au Sahel : trente ans d’histoire sociale à Dakar et à Bamako, Paris, L’Harmattan, 1998, 290 p. (Collection « Villes et Entreprises »).

Abdoulaye-Bara Diop a marqué un intérêt soutenu en faveur de la comparaison internationale, de la recherche empirique de terrain et de l’analyse biographique en l’occurrence. Il s’est déployé au-delà de sa discipline. Sa carrière remarquable est jalonnée par des études novatrices au croisement de la sociologie, de l’anthropologie, de l’histoire, de la géographie et de la démographie. Son intérêt pour la démographie a été permanent. Voilà pourquoi il a dispensé des enseignements à l’IPDSR (Institut de formation et de recherche en population, Développement et Santé de la reproduction), alors qu’il avait déjà pris sa retraite de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar.

Des études magistrales sur la société et la famille wolof 

On retiendra du Pr Abdoulaye-Bara Diop les œuvres monumentales que sont : La société wolof, les systèmes d’inégalité et de domination, Paris, Karthala, 1981 et La famille wolof. Tradition et changement, Paris, Karthala, 1985, 262 p. Le premier livre traite notamment des castes, ordres monarchiques et de la société religieuse confrérique. Il y explique, entre autres, les conditions d’émergence du système des confréries religieuses. En conséquence, il a été sollicité pour participer, avec Christian Coulon et Donal Cruise O’Brien, à la présentation critique du livre de Jean Copans (Les marabouts de l’arachide, Paris, Le Sycomore, 1980), dans le n° 4 de la revue Politique africaine (La question islamique en Afrique noire, décembre 1981 : 111-121).

Ses travaux sur la famille wolof traitent successivement de la parenté (structure, terminologie, système d’alliance, comportements), des cérémonies matrimoniales (de l’organisation traditionnelle et des changements socio-économiques), de la polygamie et du divorce. Il a mis au point une méthodologie à la fois descriptive et analytique du système de parenté et d’alliance avec une terminologie d’une grande précision. Il a surtout mis en évidence les changements et problèmes d’adaptation qui se posent à la société wolof et les effets de la très rude domination du pays par le système capitaliste. C’est ce qui l’avait amené à insister sur la nécessité de rechercher une autre forme de développement mettant l’intérêt des paysans au centre de ses préoccupations et dont ils seraient, eux-mêmes, partie prenante. 

On se souvient encore de la chronique bibliographique établie par l’un de ses collègues, un théoricien hétérodoxe, très attaché au Sénégal : « Ce travail est important à plus d’un titre : à cause de la place des Wolof dans l’histoire des sociétés sénégambiennes et sénégalaises d’abord, mais surtout parce qu’il s’agit là de la première étude d’ensemble, sociologique et ethnologique, sur cette population (ce qui par ailleurs est tout à fait paradoxal). Ce travail est également décisif en ce qu’il allie travail de terrain (recueil de traditions orales et de questionnaires sociologiques) et travail de relecture de la littérature disponible » (voir Politique africaine, n° 4, La question islamique en Afrique noire, décembre 1981 : 137-138).

D’autres travaux d’A.-B. Diop ont été consacrés à la tenure foncière en milieu wolof ou à la formation de la nation au Sénégal. Boubacar Barry, l’auteur du remarquable ouvrage Le royaume du Waalo. Le Sénégal avant la conquête, a célébré la richesse exceptionnelle du travail de Diop, notamment en ce qui concerne « l’évolution de la tenure foncière sous le lamanat et la monarchie jusqu’à nos jours ». A.-B. Diop s’est également intéressé aux paysans du bassin arachidier, notamment à leurs comportements de survie au début de la mise en œuvre des programmes d’ajustement structurel qui ont affecté durablement l’économie et la société sénégalaises.  Un homme de méthode, de rigueur scientifique et morale.

Abdoulaye-Bara Diop a marqué des générations de sociologues et d’anthropologues. Il leur a notamment appris que le succès d’une recherche dépend de sa préparation, de sa bonne planification, mais aussi des références théoriques solides qui la soutiennent et l’orientent. Connu pour sa grande rigueur intellectuelle, il a enseigné à ses étudiants les fondements et les exigences du métier de chercheur. Il leur a surtout montré que l’excellence est le fruit de l’épreuve, de l’apprentissage organisé et patient de la méthode, de la mise à jour des connaissances théoriques. Les recherches rapides, ponctuelles et portant sur des objets circonstanciels peuvent, en effet, conduire à des conclusions superficielles. Le succès de l’œuvre d’A.-B. Diop est le fruit d’un patient travail de méthode et de créativité scientifique. Dr Arame Fal, chercheure également à l’IFAN et éminente linguiste, a, sans doute, joué un rôle important dans la grande précision de la terminologie linguistique adoptée dans les publications de ce brillant chercheur. 

Abdoulaye-Bara Diop a organisé, du 27 février au 3 mars 1989, une rencontre internationale destinée à célébrer le cinquantenaire de l’IFAN, un Institut qui fut prestigieux et qu’il a tenté de redresser de toutes ses forces pour l’inscrire à nouveau dans la trajectoire définie par Théodore Monod, son fondateur. Ce symposium a marqué la mémoire de l’Institut par la qualité des participants et des contributions (voir la présentation qu’en font E. Le Bris et Christian Coulon dans Politique africaine, 34, juillet 1989, États et sociétés nomades :133-135). 

Abdoulaye-Bara Diop a fait partie des enseignants et chercheurs, venant de toute la sous-région ouest-africaine, qui ont marqué l’institution universitaire du Sénégal durant les années 1960 et 1970. Ces enseignants et chercheurs bien formés et recrutés avec rigueur ont rendu l’université attrayante pour les jeunes de la sous-région, malgré la vigueur du syndicalisme étudiant de l’époque. Ils constituaient une élite prestigieuse et respectée.

Le professeur Abdoulaye-Bara Diop a donné à plusieurs étudiants et chercheurs l’inspiration et la force leur permettant de produire des savoirs originaux sur les sociétés africaines. Son territoire de prédilection a toujours été l’université. Malgré son âge, il n’avait pas arrêté la quête du savoir. Il continuait à travailler sur un grand projet éditorial dédié à la nation sénégalaise. 

Figure intellectuelle majeure du Sénégal contemporain, A.-B. Diop a aussi fait partie de ses grandes figures morales. Comme cela a été dit à propos d’autres universitaires et nationalistes ayant marqué l’histoire des idées de notre pays, personne n’a pu le corrompre et encore moins le « capturer » pour domestiquer sa pensée. Abdoulaye-Bara Diop était un homme intègre. Il symbolisait une forme élevée de la noblesse morale. Il était surtout un homme libre. Voilà pourquoi il mérite d’être célébré par ses collègues universitaires.

Les contributions souhaitées

La démarche retenue est d’encourager des contributions (témoignages et articles) s’inscrivant dans le creuset de la riche et exceptionnelle production scientifique d’Abdoulaye-Bara Diop et privilégiant une démarche réflexive organisée autour de ses principaux thèmes de recherche. Une façon de célébrer son œuvre scientifique remarquable.

Chaque témoignage ne devrait pas dépasser une dizaine de pages. Les autres contributions souhaitées seront axées principalement, avec une démarche très réflexive et si possible hétérodoxe, sur les principales thématiques qui structurent le travail intellectuel d’A.-B. Diop, sur les stratifications sociales, sur l’anthropologie ou la sociologie en Afrique, sur la problématique de la nation, sur l’histoire de l’IFAN ou celle de la Faculté des Lettres et Sciences humaines, mais aussi sur des questions sociales ou politiques importantes relatives au Sénégal contemporain.

Les contributions ne devront pas dépasser 30 pages en interligne simple, y compris la bibliographie. La police recommandée est Times New Roman, corps 12. Les notes de bas de pages seront traitées en Times New Roman, corps 10. 

Les sources des tableaux éventuels seront clairement indiquées. Les graphiques seront livrés en noir et blanc. On fera un usage modéré des tableaux et des autres sources annexés à chaque contribution.

Les photos ou illustrations proposées devront être de bonne qualité et pouvoir être publiées en noir et blanc. Les cartes seront présentées dans un format standardisé, avec les indications habituelles (échelle, légende, sources, sigles et trames). Une police de caractère unique doit être utilisée pour toutes les cartes, en veillant à laisser les noms lisibles. Les couleurs ne seront pas utilisées. Les photos, illustrations, cartes devront être fournies aux éditeurs à part le texte, en fichier séparé.

Chaque contribution comportera des subdivisions avec des titres et sous-titres courts en minuscules. La hiérarchie entre les différents niveaux de titres doit être très claire.

Les citations sont placées entre guillemets doubles et insérées dans le corps du texte, lorsqu’elles sont courtes. Si elles atteignent au moins quatre lignes, elles sont placées en retrait. Toute citation, directe ou indirecte, doit être référencée.  

Les citations de seconde main ne sont pas admises

Les références sont incorporées dans le texte, selon le système auteur-date sans ponctuation, entre parenthèses, comme suit : 

(Fall 1980) et, en cas de renvoi à la page : (Fall 1980 : 118) ou (Fall 1980 : 117, 120, 130). 

Dans le corps du texte, le nom est présenté en minuscules, à l’exception de l’initiale en majuscule : Vernant ; Vidal-Naquet ; Diop.  

Les notes de bas de page seront numérotées de façon continue. Il est conseillé d’éviter l’excès de notes (en nombre ou en longueur).

Les majuscules ne seront utilisées que pour les initiales du nom et du ou des prénoms. Chaque contribution sera accompagnée d’un bref résumé et d’une liste des sigles et abréviations utilisés. Il est demandé de ne pas mettre de point ni d’espace après chaque lettre (exemple : ANSD et non A. N. S. D.). Les sigles seront écrits en capitales lorsque les initiales se prononcent séparément (ANSD, CNRS), mais avec les seules lettres initiales en majuscule lorsque le sigle se lit comme tel (Isra, Orstom, Unesco).

Une bibliographie sera attachée à chaque contribution, et devra être présentée comme suit. 

Présentation bibliographique (dans l’ordre alphabétique, uniquement)

1) ouvrages imprimés, à présenter comme suit, à l’exclusion de toute autre mention 

a) ouvrage en 1 vol.

FOURNIER, N. (1998). Grammaire du français classique. Paris : Belin. 

b) titre générique d’un ouvrage et titre propre d’un volume 

GURVITCH, G. (1969). La vocation actuelle de la sociologie, t. 1, Vers la sociologie différentielle. Paris : PUF. 

c) contribution à un ouvrage collectif 

THILMANS, G. (1997). « Puits et captiveries à Gorée aux XVIIe et XVIIIe s. » : 107-120, 5 ill., in : D. Samb (ed.) Gorée et l’esclavage. Dakar : IFAN Ch. A. Diop. 

2) Mémoire ou thèse (norme AFNOR Z44-050, simplifiée)

NGOM, P. M. (1995).- Caractérisation de la croûte birimienne dans les parties centrale et méridionale du supergroupe de Mako.- Th. État : Géol. : UCAD de Dakar.- 243 f. 

3) Article 

CASTER, F. (1964). « Les réseaux modernes », Géographie urbaine XII (9) : 234-289, 11 fig., 3 ill., 1 carte. 

Les contributions sont à envoyer à : publications.ifan@ucad.edu.sn et seront publiées dans le Bulletin de l’IFAN, série B, LXI (1-2) 2022

Date limite de soumission : 31 Juillet 2022 

Responsable du volume : 

Pr Abdou Salam FALL 

Responsable de la formation doctorale « Sciences sociales appliquées au Développement »  ETHOS, UCAD

Coordinateur du Laboratoire de Recherche sur les Transformations économiques et sociales 

(LARTES-IFAN), Institut fondamental d’Afrique noire (IFAN)