Policy Brief : Projet IFAN/PNUD Rapports sociaux de sexe et/ou  Masculinité positive

La question des inégalités pose des défis importants pour l’atteinte des objectifs de développement durable. La recherche étant un outil essentiel pour identifier ces problèmes et formuler des recommandations pour réduire ces inégalités, l’IFAN et le PNUD, dans le cadre du projet « masculinités positives et transformatrices » ont mis en place un groupe de recherche pluridisciplinaire au sein du laboratoire Genre et recherches scientifiques. En plus d’un dossier scientifique, le projet a financé trois travaux de recherches à travers les axes prioritaires identifiés : socio-économique, politico-juridique, et environnemental.

Ces projets sélectionnés abordent des questions cruciales telles que les conséquences du changement climatique sur les inégalités de genre à Bargny, l’entrepreneuriat agricole des femmes à Mont Rolland, et la question des inégalités dans le code familial sénégalais.

Ndeye Coumba Madeleine Ndiaye ( Professeure agrégée, UCAD) , lauréate d’une bourse de recherche du PNUD, a entrepris une étude approfondie des inégalités entre époux dans le Code de la famille du Sénégal. Dans un contexte de reformes du code de la famille, ce travail permet de d’apporter la contribuer de la recherche aux réflexions en cours autour du droit de la famille.

Son travail, issu d’une de plusieurs années de réflexions, a mis en évidence la prédominance de dispositions du code civil français, fortement marqué par le patriarcat, et de dispositions inspirées par l’islam, souvent au détriment des dispositions des coutumes locales. Cette absence d’ancrage local explique, en grande partie, le non-recours au code de la famille.

En cas de conflit, divorce, ou même dans l’organisation de la vie conjugale,  cette configuration renforce les inégalités entre les époux, notamment en ce qui concerne les obligations extrapatrimoniales (tutelle des enfants, domicile, autorité sur les enfants etc.) et patrimoniales (entretien du ménage et des enfants) :

Puissance paternelle et statut de Chef de Famille: Le Code de la Famille attribue au mari le statut de chef de famille. Ce qui lui confère le droit de prendre des décisions unilatérales concernant ses épouses et leurs enfants.Aucun devoir de concertation n’est imposé au mari, et l’article 152 du Code se contente de préciser qu’il doit exercer ce pouvoir dans l’intérêt commun du ménage et des enfants.

La puissance paternelle est exercée exclusivement par le père, avec des exceptions limitées pour la mère. Celle-ci  ne peut exercer la puissance paternelle que dans des cas spécifiques, sous réserve de l’approbation du juge. L’exclusivité de la puissance paternelle par le père est une rupture de l’égalité au sein du couple.

Obligation Conjointe d’Entretien: Le Code de la Famille établit une obligation conjointe pour l’entretien du ménage et des enfants, impliquant une contribution financière de la femme. Selon l’article 262, l’obligation alimentaire entre époux et envers les enfants est une charge du mariage, exécutée selon les régimes matrimoniaux. Cependant, il subsiste des  règles spécifiques aux régimes matrimoniaux. Dans la polygamie  par exemple, les revenus d’une épouse ne peuvent être utilisés au profit des autres.  La femme contribue par substitution, en raison du statut de chef de famille du mari.

Son analyse conduit à la conclusion que le Code actuel doit être réformée pour corriger les incohérences culturelles et juridiques qui le caractérisent. C’est d’autant plus urgent que les pratiques judiciaires et sociales ne garantissent pas toujours le bien-être de l’enfant.

Le travail de Fatma Sylla, doctorante à l’université Assane Seck (Ziguinchor), a analysé  l’aggravation des inégalités de genre au Sénégal, avec le changement climatique, notamment à Bargny où l’économie repose sur la pêche et l’agriculture, secteurs vitaux pour les revenus des femmes. Ces dernières, principalement engagées dans la transformation des produits halieutiques et l’agriculture, sont particulièrement touchées par les impacts environnementaux, dû au réchauffement climatique :

L’exacerbation de la vulnérabilité des femmes : La réduction des ressources halieutiques, aggravée par le changement climatique et l’érosion côtière, ainsi que les répercussions environnementales des activités industrielles, accentuent la précarité économique des femmes entrepreneures de Bargny. Cette situation compromet la stabilité financière des familles qui dépendent de ces ressources

Des menaces sur la sécurité alimentaire : Parallèlement à la  pêche, l’agriculture constitue un secteur crucial pour les femmes qui transforment les produits agricoles durant la saison pluviale. La diminution des précipitations et les changements climatiques ont cependant sévèrement impacté l’agriculture, entraînant une réduction des revenus féminins. Ce qui compromet la sécurité alimentaire. L’expansion urbaine et la pollution industrielle imposent par ailleurs des défis additionnels à ces activités traditionnelles.

Des femmes résilientes : En plus d’aggraver les  disparités de genre,  les changements climatiques affectent le statut socio-économique des femmes. La réduction des ressources halieutiques entraîne par exemple la migration des pêcheurs. Les femmes développent des stratégies innovantes de résiliences pour pourvoir leurs familles et supporter les frais de scolarité des enfants en l’absence masculine.

La recherche d’Ibrahima Niang de l’Université Gaston Berger (Saint Louis)  révèle la part prépondérante des femmes dans le développement agricole de la commune de Mont Rolland. Une étude minutieuse des données empiriques ainsi que des observations directes sur le terrain ont permis de constater que l’engagement des femmes dans ce secteur ne se limite pas à l’amélioration de la productivité. Il contribue également à l’atténuation des disparités socio-économiques.

Considérées comme une main d’œuvre de qualité, les femmes sont très courtisées par les industries d’agro-business de la zone. Leur élan entrepreneurial est cependant entravé par les contraintes suivantes :

• Accès difficile aux ressources financières

 • Concentration dans des secteurs à faible rendement

• Pénurie de réseaux d’entraide

 • Manque de temps (charges familiales) et de ressources pour participer à des formations/ capacitation.

• Exigences conflictuelles entre gestion d’entreprise et vie familiale et défis pour équilibrer ces deux aspects de leur vie.

Recommandations:

Sur les dispositions du code de la famille

  • Intégrer les conventions protectrices des droits de la femme dans l’ordre juridique interne.
  • Défendre les droits de la femme dans le mariage et la famille en intégrant l’autorité parentale à la place de puissance paternelle.
  • Examiner l’exception d’inconstitutionnalité pour contester les lois discriminatoires.
  • Prendre en compte les coutumes négro-africaines à soubassement matriarcal qui offrent un statut plus honorifique à la femme dans le code de la famille.

Sur l’entrepreneuriat des femmes et les changements climatiques, les travaux de Fatma Sylla et de Ibrahima Niang recommandent de :

  • Promouvoir la participation politique des femmes dans la planification de l’action climatique au niveau local.
  • Renforcer les mécanismes de soutien aux femmes pour la pérennisation de leurs activités économiques face au déficit des ressources naturelles
  • Mettre en place des mécanismes pour un meilleur  accès à l’information et aux connaissances sur les défis environnementaux pet  l’atteinte de la justice climatique
  • Renforcer les capacités des femmes sur les réponses aux enjeux climatiques.
  • Promouvoir l’égalité des sexes dans tous les aspects de la chaine de valeur agricole.
  • Faciliter l’accès à la terre des femmes dont l’entrepreneuriat est fortement impacté par cette contrainte.
  • Investir dans la formation et l’éducation des femmes en gestion d’entreprises et en leadership
  • Mettre en place un réseau d’information et d’accompagnement des femmes rurales.
  • Promouvoir l’accès des femmes aux marchés par le  renforcement de leurs capacités à commercialiser les produits agricoles
  • Accentuer la sensibilisation/implication, au près des hommes, sur l’importance des femmes dans le secteur agricole.