Le Bulletin de l’IFAN Ch. A. Diop, série B lance un appel à contribution en hommage au Pr Abdoulaye Bara Diop.
Abdoulaye-Bara Diop a été le véritable grand maître et fondateur de la sociologie sénégalaise. Ses anciens étudiants occupent, de nos jours, des positions importantes dans l’enseignement, la recherche ou les fonctions gouvernementales au Sénégal comme ailleurs en Afrique. Les publications de cet enseignant-chercheur, connu pour sa grande humilité, sa discrétion et sa droiture morale, font partie du patrimoine le plus important de l’université sénégalaise en raison de leur originalité réflexive ou hétérodoxe, de la solidité de leurs fondements et de la précision de leurs résultats. Cette œuvre magistrale, déjà saluée par de nombreux commentaires, a été forgée sur la longue durée. Elle a été dominée par des publications exceptionnelles par leur qualité. Elle a constitué une séquence majeure dans la production de la « grande bibliothèque » relative à la vie de notre pays. Abdoulaye-Bara Diop incarne l’art de la recherche fondamentale. Il a abordé diverses problématiques d’études.
L’itinéraire d’un brillant chercheur hétérodoxe
Né le 19 août 1930 à Saint-Louis, il a effectué ses études primaires dans cette ville. Entre 1948 et 1953, il fréquente la célèbre École normale William Ponty, à Sébikotane. À la suite d’une année de propédeutique à l’Institut des Hautes Études devenu, plus tard, l’Université de Dakar, il entame, en 1954, des études à l’Université de Toulouse. En 1958, il obtient une licence de psychologie et de sociologie. Il détient également le certificat de philosophie et le DES de sociologie. En 1958, de retour au Sénégal, il est recruté à l’IFAN, alors dirigé par Théodore Monod. En 1959, il est nommé assistant titulaire. Il prépare sa thèse de doctorat de troisième cycle qu’il soutient avec brio en 1964. Il est maître-assistant en 1968. En 1979, Abdoulaye-Bara Diop soutient sa thèse de doctorat d’État en sociologie à l’Université de Paris-Sorbonne, sous la direction de Georges Balandier. Il sera le premier sociologue professeur titulaire de l’Université de Dakar. Il se consacre alors entièrement à l’enseignement et à l’encadrement de ses doctorants africains.
Entre 1986 et 1995, il dirige l’Institut fondamental d’Afrique noire Cheikh Anta Diop. Admis, en 1995, à faire valoir ses droits à la retraite, il poursuit néanmoins ses enseignements à la Faculté des Lettres et Sciences humaines. Il est également sollicité par ses collègues pour participer à des jurys de thèse au Sénégal, mais aussi dans d’autres pays africains et en Europe.
Sa sensibilité politique de gauche l’a rapproché d’Abdoulaye Ly, grande figure intellectuelle, politique et morale du Sénégal contemporain (alors directeur adjoint de l’IFAN), d’Amadou Mahtar Mbow, d’Assane Seck et d’autres universitaires et patriotes africains de renom. C’est en reconnaissance de ses qualités intellectuelles et morales que la présidence de la Commission scientifique des Assises nationales du Sénégal lui a été confiée. Par ailleurs, tout le monde sait le rôle important qu’il a joué au sein de la Commission nationale de réforme des institutions (CNRI) qui a produit – le fait mérité d’être souligné – le meilleur rapport disponible dans le pays en matière de réforme des institutions.
Il a obtenu de nombreuses distinctions, parmi lesquelles le titre de professeur honoraire de la Faculté des Lettres et Sciences humaines de l’UCAD, d’Officier de l’Ordre du Mérite de la République du Sénégal, de Chevalier des Palmes académiques de la République française, de Chevalier de la Légion d’honneur de la République française.
Un pionnier des études sur les migrations
Le succès de ses livres sur les Wolof a tendance à occulter son œuvre fondatrice sur les migrations. Avant l’indépendance du pays, il a lancé une grande enquête sur la migration toucouleur à Dakar dans le cadre des recherches de la Mission socioéconomique du Sénégal (MISOES). Cette enquête a été effectuée, entre avril 1958 et mars 1959, dans les centres urbains. Ses résultats avaient fait l’objet d’un premier rapport. Il en tirera une thèse de troisième cycle en 1964. C’est à partir de cette base solide qu’il a encouragé ses étudiants à s’intéresser aux migrations sereer et joola. Il a conduit, avec ses partenaires, des programmes de recherche en y insérant certains de ses étudiants. En 1996, il a édité, en collaboration avec Philippe Antoine (démographe à l’ORSTOM devenu IRD), le livre au titre évocateur La ville à guichets fermés : Itinéraires, réseaux et insertion urbaine, IFAN-ORSTOM, 1995, 363 p.
Deux ans plus tard, il a rédigé la préface de l’ouvrage sur L’insertion urbaine à Dakar et à Bamako, dans le cadre d’un partenariat entre le CERPOD (Centre d’études et de recherche sur la population pour le développement), l’IFAN Ch. A. Diop (Institut fondamental d’Afrique noire Cheikh Anta Diop), l’ORSTOM (Institut français de recherches scientifiques pour le développement en coopération), le CEPED (Centre français sur la population et le développement) et le Département de démographie de l’Université de Montréal. Ce livre de référence est intitulé Trois générations de citadins au Sahel : trente ans d’histoire sociale à Dakar et à Bamako, Paris, L’Harmattan, 1998, 290 p. (Collection « Villes et Entreprises »).
Abdoulaye-Bara Diop a marqué un intérêt soutenu en faveur de la comparaison internationale, de la recherche empirique de terrain et de l’analyse biographique en l’occurrence. Il s’est déployé au-delà de sa discipline. Sa carrière remarquable est jalonnée par des études novatrices au croisement de la sociologie, de l’anthropologie, de l’histoire, de la géographie et de la démographie. Son intérêt pour la démographie a été permanent. Voilà pourquoi il a dispensé des enseignements à l’IPDSR (Institut de formation et de recherche en population, Développement et Santé de la reproduction), alors qu’il avait déjà pris sa retraite de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar.
Des études magistrales sur la société et la famille wolof
On retiendra du Pr Abdoulaye-Bara Diop les œuvres monumentales que sont : La société wolof, les systèmes d’inégalité et de domination, Paris, Karthala, 1981 et La famille wolof. Tradition et changement, Paris, Karthala, 1985, 262 p. Le premier livre traite notamment des castes, ordres monarchiques et de la société religieuse confrérique. Il y explique, entre autres, les conditions d’émergence du système des confréries religieuses. En conséquence, il a été sollicité pour participer, avec Christian Coulon et Donal Cruise O’Brien, à la présentation critique du livre de Jean Copans (Les marabouts de l’arachide, Paris, Le Sycomore, 1980), dans le n° 4 de la revue Politique africaine (La question islamique en Afrique noire, décembre 1981 : 111-121).
Ses travaux sur la famille wolof traitent successivement de la parenté (structure, terminologie, système d’alliance, comportements), des cérémonies matrimoniales (de l’organisation traditionnelle et des changements socio-économiques), de la polygamie et du divorce. Il a mis au point une méthodologie à la fois descriptive et analytique du système de parenté et d’alliance avec une terminologie d’une grande précision. Il a surtout mis en évidence les changements et problèmes d’adaptation qui se posent à la société wolof et les effets de la très rude domination du pays par le système capitaliste. C’est ce qui l’avait amené à insister sur la nécessité de rechercher une autre forme de développement mettant l’intérêt des paysans au centre de ses préoccupations et dont ils seraient, eux-mêmes, partie prenante.
On se souvient encore de la chronique bibliographique établie par l’un de ses collègues, un théoricien hétérodoxe, très attaché au Sénégal : « Ce travail est important à plus d’un titre : à cause de la place des Wolof dans l’histoire des sociétés sénégambiennes et sénégalaises d’abord, mais surtout parce qu’il s’agit là de la première étude d’ensemble, sociologique et ethnologique, sur cette population (ce qui par ailleurs est tout à fait paradoxal). Ce travail est également décisif en ce qu’il allie travail de terrain (recueil de traditions orales et de questionnaires sociologiques) et travail de relecture de la littérature disponible » (voir Politique africaine, n° 4, La question islamique en Afrique noire, décembre 1981 : 137-138).
D’autres travaux d’A.-B. Diop ont été consacrés à la tenure foncière en milieu wolof ou à la formation de la nation au Sénégal. Boubacar Barry, l’auteur du remarquable ouvrage Le royaume du Waalo. Le Sénégal avant la conquête, a célébré la richesse exceptionnelle du travail de Diop, notamment en ce qui concerne « l’évolution de la tenure foncière sous le lamanat et la monarchie jusqu’à nos jours ». A.-B. Diop s’est également intéressé aux paysans du bassin arachidier, notamment à leurs comportements de survie au début de la mise en œuvre des programmes d’ajustement structurel qui ont affecté durablement l’économie et la société sénégalaises. Un homme de méthode, de rigueur scientifique et morale.
Abdoulaye-Bara Diop a marqué des générations de sociologues et d’anthropologues. Il leur a notamment appris que le succès d’une recherche dépend de sa préparation, de sa bonne planification, mais aussi des références théoriques solides qui la soutiennent et l’orientent. Connu pour sa grande rigueur intellectuelle, il a enseigné à ses étudiants les fondements et les exigences du métier de chercheur. Il leur a surtout montré que l’excellence est le fruit de l’épreuve, de l’apprentissage organisé et patient de la méthode, de la mise à jour des connaissances théoriques. Les recherches rapides, ponctuelles et portant sur des objets circonstanciels peuvent, en effet, conduire à des conclusions superficielles. Le succès de l’œuvre d’A.-B. Diop est le fruit d’un patient travail de méthode et de créativité scientifique. Dr Arame Fal, chercheure également à l’IFAN et éminente linguiste, a, sans doute, joué un rôle important dans la grande précision de la terminologie linguistique adoptée dans les publications de ce brillant chercheur.
Abdoulaye-Bara Diop a organisé, du 27 février au 3 mars 1989, une rencontre internationale destinée à célébrer le cinquantenaire de l’IFAN, un Institut qui fut prestigieux et qu’il a tenté de redresser de toutes ses forces pour l’inscrire à nouveau dans la trajectoire définie par Théodore Monod, son fondateur. Ce symposium a marqué la mémoire de l’Institut par la qualité des participants et des contributions (voir la présentation qu’en font E. Le Bris et Christian Coulon dans Politique africaine, 34, juillet 1989, États et sociétés nomades :133-135).
Abdoulaye-Bara Diop a fait partie des enseignants et chercheurs, venant de toute la sous-région ouest-africaine, qui ont marqué l’institution universitaire du Sénégal durant les années 1960 et 1970. Ces enseignants et chercheurs bien formés et recrutés avec rigueur ont rendu l’université attrayante pour les jeunes de la sous-région, malgré la vigueur du syndicalisme étudiant de l’époque. Ils constituaient une élite prestigieuse et respectée.
Le professeur Abdoulaye-Bara Diop a donné à plusieurs étudiants et chercheurs l’inspiration et la force leur permettant de produire des savoirs originaux sur les sociétés africaines. Son territoire de prédilection a toujours été l’université. Malgré son âge, il n’avait pas arrêté la quête du savoir. Il continuait à travailler sur un grand projet éditorial dédié à la nation sénégalaise.
Figure intellectuelle majeure du Sénégal contemporain, A.-B. Diop a aussi fait partie de ses grandes figures morales. Comme cela a été dit à propos d’autres universitaires et nationalistes ayant marqué l’histoire des idées de notre pays, personne n’a pu le corrompre et encore moins le « capturer » pour domestiquer sa pensée. Abdoulaye-Bara Diop était un homme intègre. Il symbolisait une forme élevée de la noblesse morale. Il était surtout un homme libre. Voilà pourquoi il mérite d’être célébré par ses collègues universitaires.
Les contributions souhaitées
La démarche retenue est d’encourager des contributions (témoignages et articles) s’inscrivant dans le creuset de la riche et exceptionnelle production scientifique d’Abdoulaye-Bara Diop et privilégiant une démarche réflexive organisée autour de ses principaux thèmes de recherche. Une façon de célébrer son œuvre scientifique remarquable.
Chaque témoignage ne devrait pas dépasser une dizaine de pages. Les autres contributions souhaitées seront axées principalement, avec une démarche très réflexive et si possible hétérodoxe, sur les principales thématiques qui structurent le travail intellectuel d’A.-B. Diop, sur les stratifications sociales, sur l’anthropologie ou la sociologie en Afrique, sur la problématique de la nation, sur l’histoire de l’IFAN ou celle de la Faculté des Lettres et Sciences humaines, mais aussi sur des questions sociales ou politiques importantes relatives au Sénégal contemporain.
Les contributions ne devront pas dépasser 30 pages en interligne simple, y compris la bibliographie. La police recommandée est Times New Roman, corps 12. Les notes de bas de pages seront traitées en Times New Roman, corps 10.
Les sources des tableaux éventuels seront clairement indiquées. Les graphiques seront livrés en noir et blanc. On fera un usage modéré des tableaux et des autres sources annexés à chaque contribution.
Les photos ou illustrations proposées devront être de bonne qualité et pouvoir être publiées en noir et blanc. Les cartes seront présentées dans un format standardisé, avec les indications habituelles (échelle, légende, sources, sigles et trames). Une police de caractère unique doit être utilisée pour toutes les cartes, en veillant à laisser les noms lisibles. Les couleurs ne seront pas utilisées. Les photos, illustrations, cartes devront être fournies aux éditeurs à part le texte, en fichier séparé.
Chaque contribution comportera des subdivisions avec des titres et sous-titres courts en minuscules. La hiérarchie entre les différents niveaux de titres doit être très claire.
Les citations sont placées entre guillemets doubles et insérées dans le corps du texte, lorsqu’elles sont courtes. Si elles atteignent au moins quatre lignes, elles sont placées en retrait. Toute citation, directe ou indirecte, doit être référencée.
Les citations de seconde main ne sont pas admises.
Les références sont incorporées dans le texte, selon le système auteur-date sans ponctuation, entre parenthèses, comme suit :
(Fall 1980) et, en cas de renvoi à la page : (Fall 1980 : 118) ou (Fall 1980 : 117, 120, 130).
Dans le corps du texte, le nom est présenté en minuscules, à l’exception de l’initiale en majuscule : Vernant ; Vidal-Naquet ; Diop.
Les notes de bas de page seront numérotées de façon continue. Il est conseillé d’éviter l’excès de notes (en nombre ou en longueur).
Les majuscules ne seront utilisées que pour les initiales du nom et du ou des prénoms. Chaque contribution sera accompagnée d’un bref résumé et d’une liste des sigles et abréviations utilisés. Il est demandé de ne pas mettre de point ni d’espace après chaque lettre (exemple : ANSD et non A. N. S. D.). Les sigles seront écrits en capitales lorsque les initiales se prononcent séparément (ANSD, CNRS), mais avec les seules lettres initiales en majuscule lorsque le sigle se lit comme tel (Isra, Orstom, Unesco).
Une bibliographie sera attachée à chaque contribution, et devra être présentée comme suit.
Présentation bibliographique (dans l’ordre alphabétique, uniquement)
1) ouvrages imprimés, à présenter comme suit, à l’exclusion de toute autre mention
a) ouvrage en 1 vol.
FOURNIER, N. (1998). Grammaire du français classique. Paris : Belin.
b) titre générique d’un ouvrage et titre propre d’un volume
GURVITCH, G. (1969). La vocation actuelle de la sociologie, t. 1, Vers la sociologie différentielle. Paris : PUF.
c) contribution à un ouvrage collectif
THILMANS, G. (1997). « Puits et captiveries à Gorée aux XVIIe et XVIIIe s. » : 107-120, 5 ill., in : D. Samb (ed.) Gorée et l’esclavage. Dakar : IFAN Ch. A. Diop.
2) Mémoire ou thèse (norme AFNOR Z44-050, simplifiée)
NGOM, P. M. (1995).- Caractérisation de la croûte birimienne dans les parties centrale et méridionale du supergroupe de Mako.- Th. État : Géol. : UCAD de Dakar.- 243 f.
3) Article
CASTER, F. (1964). « Les réseaux modernes », Géographie urbaine XII (9) : 234-289, 11 fig., 3 ill., 1 carte.
Les contributions sont à envoyer à : publications.ifan@ucad.edu.sn et seront publiées dans le Bulletin de l’IFAN, série B, LXI (1-2) 2022
Date limite de soumission : 31 Juillet 2022
Responsable du volume :
Pr Abdou Salam FALL
Responsable de la formation doctorale « Sciences sociales appliquées au Développement » ETHOS, UCAD
Coordinateur du Laboratoire de Recherche sur les Transformations économiques et sociales
(LARTES-IFAN), Institut fondamental d’Afrique noire (IFAN)